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jeudi 10 juin 2010

Produits bio en Tunisie - Pour le renforcement de la chaîne des valeurs


La semaine de l’agriculture bio en Tunisie a eu l’effet boomerang tant attendu. Hommes de terrains, agriculteurs et fermiers, investisseurs et transformateurs potentiels, décideurs se sont rencontrés pour faire connaître davantage un secteur émergent dont le développement potentiel est de plus en plus important et auquel les pouvoirs publics s’impliquent depuis près d’une décennie. Mais pour autant peut-on parler d’agriculture biologique sans parler d’agro-industrie bio, sans engager la réflexion sur la chaîne de valeur du produit bio qui part de l’input, au niveau de la ferme et qui arrive à l’output, produit transformé, produit industriel qui est appelé à s’imposer non seulement au niveau du marché local, dans l’absence de traditions de consommation, mais également au niveau des marchés extérieurs fortement demandeurs, mais dont la distribution est régie par des groupements d’importateurs et les circuits de distribution qu’imposent les discounters et les grandes surfaces?
La Tunisie est, aujourd’hui, un des premiers pays d’Afrique pour l’importance de sa production agricole biologique. Les superficies totales exploitées en biologique recensées en 2008 couvrent 285.400 ha. Elles ont connu depuis 2001 une progression annuelle moyenne équivalente à 50,2%. Progression qui est due au double effet des opportunités de marché à l’extérieur et au recours de plus en plus au bio comme méthode d’exploitation agricole.
Avec une croissance annuelle de 10% environ, le marché mondial du bio est estimé à environ 50 milliards de dollars en 2008, contre 18 milliards de dollars en 2000. La demande est concentrée dans les deux grandes zones à revenus élevés que sont l’Amérique du nord et l’Europe. En règle générale, la demande en produits bio dépasse l’offre. Le positionnement des produits tunisiens est illustré par l’huile d’olives et la datte, produits phares de la Tunisie à l’exportation mais aussi par les PAM (plantes aromatiques et médicinales) avec les fruits et légumes qui viennent en 3ème position. Les PAM avec les huiles essentielles et condiments représentent les différentes gammes d’ingrédients dont la demande est fortement croissante en Europe et ailleurs dans le monde que ce soit pour les industries agroalimentaires ou les cosmétiques. C’est pourquoi elles sont considérées dans le cadre des orientations stratégiques du secteur industriel à l’horizon 2016 comme des créneaux porteurs.

La prospection n’est pas sans difficultés

L’investisseur qui est amené à prospecter les marchés ou à faire un état des lieux de la filière des produits bio n’est pas sans rencontrer d’embûches. Il faut tout d’abord relever la première contrainte qui est celle de la difficulté de l’information concernant les produits bio, contrairement aux produits conventionnels de l’agroalimentaire pour lesquels les statistiques de production, de commerce extérieur, de distribution de gros, de détail de la consommation sont abondantes. Les données disponibles sur la consommation européenne sont agglomérées car basées sur des estimations. De même qu’en l’absence de nomenclature douanière permettant d’identifier les produits biologiques, il reste difficile de faire une fine analyse des flux commerciaux. Ce manque d’informations précises n’empêche nullement les exportateurs espagnols, italiens, français ou belges de livrer leurs produits au Danemark, en Allemagne, au Royaume-Uni ou en Suisse…et également les exportateurs tunisiens.
L’agriculture biologique n’est encore qu’une petite activité, elle ne représente encore que 1 à 2% des ventes totales de produits alimentaires mondiaux. Mais elle progresse dans le monde entier. L’élargissement des gammes de produits agroalimentaires biologiques, d’année en année, constitue une offre concurrente par rapport aux produits conventionnels et spécialement pour des populations de plus en plus préoccupées de leur bien-être actuel et futur.
Pour bénéficier de l’appellation «bio», un aliment doit avoir été produit selon une méthode de production dite biologique. Les ingrédients la constituant doivent avoir été produits dans le respect des cycles naturels. L’utilisation d’engrais synthétiques et de produits chimiques est de ce fait totalement prohibée. Pour être reconnue officiellement, l’agriculture biologique doit être certifiée. La certification assure que le produit se conforme à des règles de production précises définies par la réglementation. Parmi celles-ci figure l’interdiction des pesticides et herbicides chimiques, des fertilisants de synthèse et des semences issues d’OGM (Organismes Génétiquement Modifiés), des antibiotiques et hormones de croissance et des colorants chimiques.

Des règles très strictes

Au-delà de la production, la transformation des produits biologiques est aussi assujettie à des règles très strictes. Ces règles permettent au travail de l’agriculteur bio d’être valorisé et permet d’offrir des produits de grande qualité dans nos assiettes. Toutes ces techniques qui régissent l’agriculture biologique et ses produits sont présentées dans le cahier des charges de l’agriculture biologique: un règlement sur lequel sont indiquées toutes les procédures que l’agriculteur et le transformateur doivent respecter pour être certifiés bio.
Mais comment reconnaît-on un produit bio et son pays d’origine ? En France, on reconnaît un produit bio grâce notamment au logo «AB». Celui-ci garantit que des contrôles ont été régulièrement effectués par des organismes certificateurs aux différents stades de la production ou de la transformation. Ce label qui concerne aussi bien les produits transformés que les produits non transformés sera bientôt complété voire remplacé par un logo européen. Par contre en Tunisie, il n’y a pas encore de label bio. Une étude à l’échelle nationale sur le label bio a été réalisée, sa mise en œuvre permettra de donner un élan certain à la consommation de ces produits sur le marché tunisien et à sa promotion à l’extérieur.
Depuis une dizaine d’années, on constate un engouement des consommateurs pour des produits de plus en plus sains. Engouement qui va de pair avec les craintes découlant de phénomènes médiatisés aussi dangereux pour la santé humaine que révélateurs: la vache folle, les OGM, la perte de la valeur nutritive des aliments sous l’effet des pesticides et produits chimiques ou de la pollution par les eaux d’irrigation.
Selon «Agriculture et Agroalimentaire Canada», les ventes de produits biologiques ont augmenté de 20% annuellement dans les pays occidentaux, durant les cinq dernières années, alors que cette hausse n’a été que de 1% pour l’ensemble du marché de l’alimentation. Ce rythme devrait se poursuivre au cours des prochaines années.
Consommateurs avisés, les Tunisiens commencent à être sensibilisés à la problématique d’une alimentation saine et veillent de plus en plus à la qualité de leur nutrition. Initialement confinés aux magasins d’alimentation spécialisés ou aux marchés publics, les produits bio ont conquis les grandes chaînes de distribution des pays industrialisés qui réservent ces dernières années des surfaces encore plus grandes pour ces produits. Cet intérêt grandissant pour le bio exerce une pression accrue sur les producteurs et transformateurs qui peinent à les approvisionner. Les coûts de production supplémentaires en raison de rendements plus faibles que le conventionnel, d’une part, et la disponibilité insuffisante des produits biologique sur les marchés, d’autre part, poussent les prix vers la hausse. Le marché européen est pourtant l’un des marchés les plus intéressants pour ces produits. Il est formé de plus de 450 millions de consommateurs à fort pouvoir d’achat qui s’intéressent de plus en plus aux produits préservant la santé.

Les atouts tunisiens

Pour garantir la crédibilité des produits issus de l’agriculture biologique, profiter des nouvelles opportunités offertes sur le marché international et valoriser les avantages comparatifs de la Tunisie dans ce domaine (faible coût de la main d’œuvre, conditions climatiques et environnementales favorables), la loi N°30 du 05 avril 1999 confère une réglementation spécifique à toute la filière.
En Tunisie, l’agriculture biologique et donc son corollaire la transformation sont relativement nouvelle. Son déploiement a été pourtant rapide, en l’espace de 10 ans, les superficies exploitées ont fortement augmenté. Entre 2001 et 2008, les superficies totales exploitées en bio ont connu une progression annuelle moyenne de 50% passant de 16.500 hectares à 285.400 hectares. Elle s’explique par le double effet des opportunités de marché à l’exportation et la facilité de conversion des terres en bio.
L’agroalimentaire biologique compte 1700 exploitants dont 55% sont implantés au centre du pays. L’huile d’olives et les dattes sont les produits phares de la production bio, les PAM à l’instar des fruits et légumes ont également connu une forte progression entre 2001 et 2008, passant de 302 tonnes à 40.300 tonnes.
En 2008, on recensait une centaine environ d’opérateurs (transformation, conditionnement et exportation confondus), alors qu’on n’en comptait que 19 en 2001. Ils occupent six activités principales avec l’huilerie, la distillation et le séchage des PAM, la transformation, conditionnement et le compostage.
Mais malgré cet élan de la production et ce démarrage de la transformation, il subsiste un décalage entre le potentiel de production et le potentiel de commercialisation. La distribution sur le marché local est confrontée à un certain nombre de difficultés: l’absence de grossistes spécialisés en produits biologiques contrairement à la filière à l’étranger, l’absence également de détaillants spécialisés en produits bio, la grande distribution (Carrefour, Monoprix, Géant…) représente le seul débouché local pour les produits biologiques. Les responsables des achats des grandes surfaces soulignent que faute d’assortiments et de volumes suffisants les produits bio sont confinés dans les rayons «santé», de plus les campagnes promotionnelles de produits bio en GMS se heurtent à l’absence de logo reconnu.
Sur le plan extérieur l’évolution a été tout à fait favorable. Les exportations biologiques ont quasiment quintuplé entre 2004 et 2008 passant de 12,8 millions de dinars à 64,142 millions de dinars. Les exportations agro bio représentent 4,17% de la valeur totale des exportations agroalimentaires et un taux de croissance annuel moyen de 49,6% largement supérieur à celui de l’agroalimentaire sur la même période.
L’huile d’olive et la datte représentent les produits phares certes avec 95% des exportations. Quant aux exportations des autres produits, y compris les PAM elles prennent plus d’ampleur au fil des ans. Elles représentent actuellement 6% des exportations bio en valeur. Les quantités exportées ne cessent de grimper passant de 3 tonnes en 2001-2002 à 654 tonnes lors de la campagne 2007-2008.
Au total, les opportunités commerciales pour les produits bio existent. Cependant les acteurs doivent prendre en compte la vive concurrence sur les marchés européens de la part d’une multitude de fournisseurs de pays situés à proximité ou même éloignés de l’Europe.
En 2008, le volume global des investissements (projets intégrés: production plus 1ère transformation), dans l’agriculture biologique atteint 66,596 millions de dinars. Les investissements dans l’agroalimentaire biologique ont enregistré une progression intéressante et particulièrement dans les PAM qui représentent 39% de l’enveloppe globale.
Le nombre des opérateurs est passé de 246 producteurs et 19 transformateurs en 2000 à 1792 dont 67 transformateurs et 25 exportateurs en 2008 et 10 opérateurs dans les PAM. Et malgré l’augmentation du nombre des transformateurs, il n’y a pas encore de représentation des entreprises de transformation biologique auprès de l’UTICA. La branche compte seulement en amont la fédération de l’agriculture biologique, adhérente à l’UTAP et qui compte une vingtaine de membres sur environ 1800 opérateurs.
L’évolution de la situation de la branche depuis 2002 est, certes, bien établie. La traçabilité est un concept bien compris des opérateurs aujourd’hui. Le cadre juridique et réglementaire régissant les produits agricoles et les produits transformés biologiques a été largement enrichi. Dans le domaine du packaging, l’environnement a bien évolué que ce soit pour la datte ou l’huile d’olives. L’implication en amont et en aval est bien assurée, de la part du CEPEX par exemple pour l’aide à l’exportation, en faveur de la valorisation du «biologique» tunisien et la mise en avant de ce que représente la branche comme potentiel de développement sur le marché mondial.
L’agriculteur et l’industriel bénéficient d’un environnement institutionnel et légal constitué par les principales structures de soutien au secteur de l’agriculture biologique (APIA, Centre technique de l’agriculture biologique, Fédération nationale de l’agriculture biologique…). Le dispositif juridique régissant l’agroalimentaire a été enrichi à partir de 1999 avec la création de la loi N°29 du 9 avril 1999 relative à l’agriculture biologique, par divers décrets et arrêtés, y compris les cahiers des charges, le contrôle et la certification, la réduction des droits de douane et de la TVA. Ce dispositif juridique interne est à compléter par le règlement CEE, N° 537-2009 du 19/06/2009 qui reconnaît la Tunisie comme pays tiers pour l’agriculture biologique.
La situation avancée de l’agroalimentaire biologique en Tunisie est certes le résultat d’une volonté politique qui a permis entre autres de prendre en charge partiellement les coûts de la certification et le matériel agricole pour la production biologique.
La production agricole biologique voire l’agroalimentaire bio sont tirés, essentiellement, par les exportations. Malgré tous les efforts effectués de part et d’autre, les producteurs restent éclatés ôtant une partie de la visibilité des produits biologiques tunisiens sur les marchés extérieurs. Les produits bio tunisiens doivent toutefois profiter de l’engouement actuel pour ces produits certes provisoirement ralenti par les effets de la crise économique mondiale dans les pays grands consommateurs. A nos industriels de remonter la chaîne des valeurs, afin de valoriser et d’intégrer davantage ces produits dans l’industrie tunisienne et d’en faire des produits innovants, mais aussi compétitifs sur les marchés nouveaux à conquérir, les USA, le Canada, le Japon...l’Australie, vu le bénéfice des avantages comparatifs dont ils bénéficient jusqu’à présent.

Source: LeRenouveau

3 commentaires:

Très bon site. Merci aux contributeurs.
sağlık Haberleri

Je m'excuse pour la réponse tardive .. en faite trèèèèèès tardive mais quelques soit ce retard ça nous empêches pas de vous remercier pour ce compliment.

Merci encore :)

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